Pourquoi près d'1 milliard d'Humains ont encore faim ?
Nous produisons largement de quoi nourrir l'ensemble de la population humaine et même plus ! Alors, pourquoi près d'1 milliard d'Humains ont encore faim ? Où va la nourriture ?

"La famine définit le manque de nourriture dont souffrent certains individus. Elle ne définit pas l'insuffisance de nourriture. Si l'insuffisance peut entraîner le manque, elle n'en est qu'une cause éventuelle parmi d'autres. Le rapport possible entre famine et approvisionnement alimentaire doit faire l'objet d'un examen factuel." -Amartya Sen
Chaque être humain doit consommer 2000 à 3000 calories par jour, lesquelles doivent lui apporter l'ensemble des nutriments essentiels dont il a besoin. Saviez-vous qu'une bonne partie de la nourriture produite aujourd'hui ne parvient jamais à la population ?
Où est la nourriture ?
Reprenant les statistiques de l'ONU, le Food First Institute souligne que l'approvisionnement alimentaire mondial se caractérise par une abondance et non une pénurie des denrées.
La production de céréales dans le monde suffirait à elle seule aujourd'hui à fournir quotidiennement 3500 calories à chaque être humain sur la planète. Voilà de quoi rendre gros la plupart des gens !
En plus, cette estimation ne tient même pas compte des nombreuses autres denrées de consommation courante, comme les légumes, les fèves, les noix, les racines comestibles, les fruits, le poisson et la viande provenant des bêtes nourries à l'herbe.
En fait, si l'on considère l'ensemble des aliments, nous avons de quoi fournir quotidiennement au moins 1950g de nourriture par habitant, qui se composent de 1150g de céréales, de fèves et de noix, d'environ 450g de fruits et légumes et d'un peu moins de l'équivalent en viande, en lait et en oeufs.
Comme nous le savons, les choses ne se passent pas ainsi. En 2010, si la récolte céréalière mondiale était au 3e rang des récoltes les plus abondantes de tous les temps, 950 millions d'êtres humains ont cruellement manqué de nourriture et plus d'un milliard ont été privés de certains nutriments essentiels pour la santé.
Plus scandaleux encore, 60% des gens qui ont faim dans le monde sont de petits exploitants agricoles et 20% des travailleurs agricoles sans terre.
En 2019, nous comptions encore près de 700 millions de personnes qui souffraient encore de la faim dans le monde : je vous invite d'ailleurs à en apprendre davantage sur l'objectif du développement durable n°2 qui a pour mission d'éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable.
Ce qui soulève donc une question capitale : où est la nourriture ? Si le monde produit 3500 calories par habitant et par jour, qu'en advient-il ?
La nourriture va là où est l'argent
Le système alimentaire mondial est aux mains d'une poignée de mégafirmes agroalimentaires qui maximisent leurs profits en acheminant la nourriture là où elle générera les plus grands bénéfices. Sur le marché capitaliste, la nourriture va à ceux qui ont l'argent pour l'acheter.
En conséquence, la disponibilité alimentaire journalière est d'environ 4000 calories par personne dans le Nord contre 2500 calories seulement en Afrique subsaharienne. Il s'agit là de moyennes; la distribution des denrées est encore plus inégalitaire à l'intérieur des régions.
Même aux Etats-Unis, le plus riche pays du monde, 36 millions d'individus ne mangent pas à leur faim et 17% des enfants courent un risque élevé de voir leur croissance ou leurs facultés cognitives altérées par un déséquilibre nutritionnel dû à un manque de nourriture, parce que manger est au-dessus de leurs moyens.
Les céréales sont transformées en boeuf
40% des récoltes céréalières totales servent à nourrir les bêtes plutôt que les humains. Le gros va aux fermes industrielles où l'on nourrit le bétail au maïs plutôt qu'à l'herbe qu'il mangerait normalement. Sur le plan nutritionnel, c'est très inefficace : la production d'une seule galette de boeuf de 225g requiert une quantité de céréales telle qu'elle répondrait pleinement aux besoins énergétiques et protéiques quotidiens de 3 habitants de l'Inde se nourrissant de céréales et de produits laitiers.
Mais comme les galettes de boeuf sont plus rentables que les céréales, les galettes priment.
Le maïs est transformé en carburant
Après une période de stabilité ou de baisse à partir des années 1970, les prix mondiaux des aliments ont plus que doublé entre 2002 et 2008. Pourquoi ?
D'après les conclusions d'un rapport de recherche publié par la Banque Mondiale, le facteur primordial était la forte hausse marquant la production de biocarburants aux Etats-Unis et en Europe.
En 2007, les véhicules américains ont brûlé assez de maïs pour couvrir l'ensemble des besoins à l'importation des 82 pays les plus pauvres du monde. En 2009, les fabricants américains d'éthanol ont transformé une quantité de céréales supérieure à la production du Canada et de l'Australie réunis.
D'immenses quantités de nourritures sont détruites, gaspillées ou jetées
Il reste difficile d'obtenir des statistiques fiables, mais l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) affirme que les pertes après récolte représentent 15 à 50% de la production dans les pays en développement.
Si tous les pays à faible revenu perdent 15% de leurs céréales, leurs pertes annuelles après récolte se montent à 150 millions de tonnes. C'est six fois plus que ce que la FAO déclare suffire aux besoins de tous les peuples affamés du monde en développement.
Une étude publiée en 2010 révèle que 40% de la production alimentaire totale du Canada est gaspillée : un peu plus de la moitié par les consommateurs et le reste au cours de la récolte, du transport, de l'emballage et de la transformation des denrées, dans la restauration et dans le commerce de détail.
En résumé, nous produisons déjà assez de nourriture pour garantir une alimentation saine à tous les humains sur Terre. Les cultures abondent, mais ne sont pas à la portée des gens qui ont faim; le présent système alimentaire mondial est foncièrement inégalitaire. En mettant fin à la production industrielle de viande et de biocarburants et en réduisant le gaspillage à des niveaux raisonnables, nous pourrions disposer de suffisamment de nourriture pour assurer la croissance démographique prévue dans le siècle. Si la quantité s'avérait moins importante que prévu, nous pourrions même rendre à la nature de vastes zones de terres agricoles.
Cet article est un extrait du livre "Une planète surpeuplée ? Le mythe populationniste, l'immigration et la crise écologique".