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Raison d'être d'entreprise : avantages et risques

La loi PACTE a modifié l'article 1835 du Code civil pour prévoir la faculté d'insérer dans les statuts de toute société une "raison d'être", mais rien n'empêche une société d'adopter une raison d'être sans l'insérer dans ses statuts. C'est d'ailleurs ce que font de nombreuses sociétés. Les dispositions de la loi ne traitent que de la raison d'être statutaire. Notons aussi que la raison d'être statutaire peut être adoptée pour elle-même, ou en vue de l'adoption de la qualité de société à mission, dont elle est l'un des éléments constitutifs. Son appropriation par de très nombreuses sociétés depuis l'adoption de la loi montre sa pertinence.




Qu'est-ce que la raison d'être d'entreprise ?


Selon l'article 1835 du Code civil, la raison d'être est constituée "des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité".


Elle n'est donc pas au sens de la loi exactement, la finalité que la société se fixe, en plus de la recherche du profit.

Elle précise la manière dont la société va se comporter et les valeurs qu'elle entend promouvoir dans l'accomplissement de son objet social.


Adopter une raison d'être, c'est affirmer que la société ne se réduit pas à la recherche du profit par tous moyens légaux dans le cadre de son objet social : c'est lui donner un sens.

Par exemple, une société dans le secteur agro-alimentaire pourra avoir comme raison d'être de fournir une alimentation saine et produite dans des conditions respectant l'environnement, tout en cherchant à nourrir le plus grand nombre. Cela dit, la raison d'être n'est pas nécessairement fondée sur des principes sociaux ou environnementaux.


La raison d'être ne se limite pas au constat des valeurs de la société. Elle instaure une dynamique car on doit y affecter des moyens pour essayer de s'y conformer toujours plus en partant d'une situation existante qui est toujours perfectible. C'est une sorte de boussole pour les décisions des dirigeants, et en particulier les décisions stratégiques.


Quels sont les avantages de la raison d'être d'entreprise ?


La principale motivation pour adopter une raison d'être n'est pas juridique. Elle repose sur le bénéfice que la société pense en tirer en termes de mobilisation et de fidélisation de ses parties prenantes, et surtout de ses collaborateurs, autour de principes qui donnent un sens à l'activité de la société.


Sur le plan juridique, le principal apport de l'insertion d'une raison d'être dans les statuts, c'est de la pérenniser et d'y faire adhérer les associés. La modification des statuts requise pour l'adopter comme pour la supprimer nécessite une décision d'assemblée générale extraordinaire, à une majorité renforcée dans la plupart des formes de sociétés.


Elle permet de légitimer l'action des dirigeants qui s'écartent d'une gestion fondée strictement sur l'optimisation du profit, à partir du moment où cela se justifie au regard de la raison d'être. Elle peut donc protéger les dirigeants vis-à-vis des associés de la société. Ils pourront le cas échéant invoquer la raison d'être, dans le cadre en particulier d'une révocation ou d'une mise en cause de leur responsabilité, si on leur reproche de ne pas avoir cherché à optimiser le profit de la société. Pour autant, prendre en considération la raison d'être ne doit pas les conduire à prendre des décisions qui seraient contraires à l'intérêt social de la société.


Quels sont les risques de la raison d'être d'entreprise ?


Le premier risque est le risque de révocation pour les dirigeants s'ils ne prennent pas, ou pas assez, en considération la raison d'être dans la gestion de la société. Notons à cet égard que les dirigeants sont censés prendre en considération la raison d'être, et non la respecter, car leur action doit rester guidée avant tout par le souci d'agir dans l'intérêt social, et que ce dernier l'emporte donc sur la raison d'être. C'est un risque réel, mais relativement maîtrisable par les intéressés s'ils adhèrent à la raison d'être et mettent en oeuvre un politique cohérente avec celle-ci.


Le deuxième risque est celui de mise en cause de la responsabilité des dirigeants vis-à-vis de la société, pour la même raison. À cet égard, les articles L225-35 et L225-64 du Code de commerce applicables aux sociétés anonymes prévoient désormais que conseil d'administration et directoire doivent prendre en considération la raison d'être statutaire dans la détermination des orientations de l'activité de la société et la surveillance de la gestion.


Par ailleurs, la violation d'une clause statutaire peut engager la responsabilité des dirigeants sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'une faute de gestion. La mise en cause de la responsabilité des dirigeants par la société, ou par des associés agissant pour son compte, supposerait toutefois une atteinte claire à la raison d'être, qui ne se justifierait pas par l'intérêt social de la société, et qui lui causerait un préjudice, on pense en particulier à un préjudice d'image.


Pour tout savoir sur l'entreprise à mission et la raison d'être d'entreprise, je vous invite à lire l'ouvrage "Entreprises à mission et raison d'être" paru aux éditions Dunod en 2020. Cet article est un extrait de cet ouvrage.

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